Votre poids, c’est dommage….

Tant que le poids sera considéré comme un problème (et non comme un fait), tant qu’on associera sans nuance, hygiène de vie et minceur, on laissera des gens mourir ou souffrir inutilement.
 
Je vais parler un peu de moi. J’ai commencé à (vraiment) prendre du poids à l’adolescence. A l’époque, j’avais déjà entrepris moults régimes pour ressembler à ce que je pensais être la norme (j’avais un, ouis deux puis trois kilos de trop).
 
Soudain, j’ai commencé les troubles compulsifs alimentaires : hyperphagie suivie de période de diète à base de chewing gum pour ne pas ressentir la faim.

A cette période, j’ai pris du poids. Beaucoup de poids. En moins d’un an, j’ai pris 30 kilos.

Tout le monde, y compris moi, a mis ces kilos sur le dos de mon hyperphagie.
Avec du recul, je me rends compte que je faisais une à deux crises par mois. Et diète le reste du temps. Cela ne peut en aucun cas justifier une telle prise de poids.

D’autres symptômes sont aussi apparus, notamment une énorme fatigue qui ne m’a plus jamais quittée depuis lors.

Aujourd’hui, les symptômes se sont accumulés : fatigue, douleur dans les membres, principalement les pieds et les mollets, rétention d’eau, hypothyroïdie, dérèglement hormonal total, règles très peu abondantes (proche de l’aménhorrée), système immunitaire sans dessus dessous, perte d’équilibre, pilosité faible, vergétures très marquées et violettes, et j’en passe.
J’ai déjà été suivie par d’innombrables médecins.
Depuis ce mois-ci, j’ai rencontré (enfin) un médecin spécialisé en médecine interne. Ce médecin a tiqué sur mes symptômes et sur mes résultats d’analyse de sang. Il a été étonné que personne n’ait jamais pensé à faire des analyses plus poussées : je n’ai aucune prise de sang correcte depuis 10 ans. Pas une. Il y a toujours l’une ou l’autre valeur qui est aberrante. Rarement la même d’une prise de sang à l’autre. Mais, aucun soignant n’a pris la peine d’aller plus loin.

Ce médecin a pris mon poids comme un symptôme. Quand je lui ai dit que j’avais pris beaucoup de poids, la première fois, à cause de troubles compulsifs alimentaires, il m’a posé des questions sur mon trouble et sa fréquence. Aucun soignant ne l’avait fait jusque là.

Il m’a donc montré comment il était impossible d’affirmer que ma prise de poids était due à une mauvaise hygiène de vie. Il m’a montré la quantité de calories que j’aurais du ingérer chaque jour à cette époque, si, en étant en parfaite santé, j’avais du prendre ce poids. Et clairement, il a touché dans le mille ; je n’ai pas avalé ces quantités-là de calories.

An 2015, j’ai pris 35 kilos en 6 mois. J’ai été chez ma généraliste tous les mois pour me plaindre de symptômes grandissant : prise de poids, fatigue extrême et douleurs intenses.

C’est quand j’ai pleuré pour commencer un diagnostic de fibromyalgie afin d’avoir droit à de la kiné pour réduire mes douleurs qu’elle m’a proposé une prise de sang. Jusque là, pour elle, ma fatigue était due à mes deux enfants, mon poids, c’était parce que je mangeais trop et mes douleurs c’était à cause de mon poids. Simple et imparable.

Les analyses ont montré une hypothyroïdie sévère, de celles qui mènent à l’hospitalisation… De celles qui font d’une personne une larve presque incapable de se porter elle-même. Or, j’étais tellement convaincue que c’était de ma faute et qu’il suffisait que je bouge, qu’à l’époque, je sortais tous les jours avec mes deux filles en écharpe de portage. Je marchais entre une et deux heures chaque jour, en portant leurs 25 kilos cumulés aux miens. En théorie, avec les taux que j’avais de TSH, c’était impossible.

Une grande partie de mes douleurs pouvait donc s’expliquer de la sorte : je forçais mon corps au-delà de ses limites.

Mais, qu’importe. Les soignants restaient convaincus que j’étais grosse parce que je mangeais trop.

Lors de ma dernière visite chez la gynécologue, j’ai été reçue par une soignante qui ne me connaissait pas, qui n’a posé aucune question sur mes antécédents gynécologiques et obstétricaux mais qui m’a proposé une chirurgie bariatrique parce que  » vous êtes une femme intelligente… Votre poids, c’est dommage ».

Non, ce n’est pas mon poids qui est dommage, c’est la grossophobie que je me prends tous les jours et qui ont fait passé des dizaines de soignants à côté de la maladie qui me ronge en silence depuis 17 ans déjà…

La grossophobie tue. Chaque jour…

2 commentaires sur “Votre poids, c’est dommage….

  1. Non, ce n’est pas dommage. On ne peut pas être intelligente et grosse ? Et intelligente et mince ? Et stupide et grosse ? Et stupide et maigre? Non mais n’importe quoi ! Le physique n’a rien à voir avec ce qu’on a dans la tête ! Ah, ce que ça peut m’énerver.
    Et puis, en lisant tes symptômes, j’ai immédiatement pensé à une hypothyroïdie. Et d’ailleurs, il se peut qu’avec un traitement adapté, tu perdes naturellement du poids. Alors son opération, tu sais où elle peut se la mettre…

  2. Je suis assez grosse aussi (surtout en ce moment ah-ah-ah 🙄 ) et c’est vrai qu’à part la culpabilité de « vous mangez mal/trop », généralement personne se demande pourquoi d’un coup on prend 10 puis 20 kilos. J’ai jamais réussi à perdre ce poids depuis que je l’ai pris, au moins c’est stable maintenant…
    J’adore le « vous êtes une femme intelligente… Votre poids, c’est dommage », faut des reins solides pour se prendre ça dans les dents…

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