Grosse au jour le jour

Je suis grosse.
Je suis ronde. Pour le dire plus pudiquement.

Longtemps, le mot « grosse » a été comme un gros mot dans mon coeur. Je n’étais pas grosse. J’étais enrobée. Bien en chair. Ronde.

Mais, un jour, ce mot a fait sens. Le rejeter ne ferait pas de moi quelqu’un de moins gros.

Je suis grosse.

Et je le vis chaque jour.

Lorsque je m’assieds dans un endroit que je ne connais pas et que je teste le siège avant d’y déposer mon fessier. Lorsque je tente de trouver des vêtements à ma taille. Lorsque je rencontre un soignant et que je me prends une volée de grossophobie paternaliste dans la figure.

Je suis grosse.

Je le sais. Je le sens. Dans toutes les cellules de mon corps.

J’aimerais ne pas l’être. J’aimerais aussi aimer mon corps comme ça. Mais, ce n’est pas le cas.

Je surivs dans un corps que je hais. Mais, que j’apprends à aimer.

Parce que ce corps vomi par tous a donné la vie. A plus d’un titre. D’abord à moi-même. Puis aussi à mes deux petites bébés d’amour.

Parce que ce corps est le fruit d’une histoire complexe et à laquelle je ne peux ni ne veux renoncer.

Parce que ce corps sera toujours mien et qu’il me faudra bien continuer, bon an mal an, à vivre dedans, alors autant que ça se passe au mieux.

Je suis grosse. Et j’apprends à vivre avec.

Et si vous aussi, vous appreniez à vivre avec des gens gros autour de vous, sans que ça ne soit un problème pour vous ?

Je dis ça, parce que le plus dur, dans le fait d’être grosse, c’est le regard des gens et surtout leurs mots.

« Vous êtes grosse, vous savez »… Non ?! Sans blague ? C’est vrai ?

« Vous avez déjà pensé à faire régime ? »… Non, jamais, pourquoi ?

« Ce serait tellement mieux pour votre santé que vous perdiez du poids »… Vous pensez sincèrement que je l’ignore ?

Ces mots, en plus d’être déplacés, sont blessants et inutiles.

Les gros.ses savent qu’ils et elles sont gros.ses. Ils et elles savent tous les risques et les dangers de leur obésité. Ils et elles connaissent à peu près tous les régimes qui existent, généralement parce qu’ils et elle les ont testés.

Ces mots sont surtout le signe de votre malaise face à l’obésité.

Parce que si j’avais un cancer, personne n’oserait me dire « tu as un cancer, en fait », en plein milieu de la rue. Personne ne me demanderait si j’ai déjà songé à entamer un traitement ou si je sais à quel point ce serait mieux pour ma santé de ne pas avoir de cancer. Personne.

Ne me prenez pas pour plus idiote que je ne suis. Et ne prenez pas les personnes grosses, en général, pour plus idiotes qu’elles ne le sont.

2 commentaires sur “Grosse au jour le jour

  1. J’ai été obèse 50 ans.Depuis 6 ans je suis « normale », suite à un bypass. Mon seul regret est d’avoir attendu 50 ans pour vivre ça. Quel soulagement. Bien sûr, la première année fut compliquée à bien des égards, mais à présent je profite. Mon corps garde les stigmates de sa maltraitance, mais habillée ça va, et du coup je n’ai plus à subir le racisme anti gros… Par contre je n’oublies rien et je soutiens mes frères et soeurs de misère dès que je le peux. La différence c’est difficile à vivre, et les obèses en général sont méprisés, dans cette société du paraître et de la norme. Bon courage à toi. Des bises.

    1. Je suis super contente pour toi que ce by pass ait été une bonne solution.
      Pour moi, cela ne le sera pas. Car je mange objectivement peu. Mais, j’ai de gros soucis hormonaux (à vrai dire, je suis un peu un cas médical… Les médecins ne comprennent pas trop…).

      Mais, effectivement, tu le soulignes, je n’oublierai jamais ce corps et il en gardera des traces toute sa vie, quoi que je fasse…

      Plein de soutien à toi aussi.
      Des bisous

Laisser un commentaire